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IMF Camdessus OUT



Sortie de FMI pour Camdessus 
                           Le Français démissionne de la direction du
Fonds
                                            monétaire. 

                                       Par PATRICK SABATIER

                                     Le mercredi 10 novembre 1999 









 «Il a le sentiment
 d'avoir accompli sa
 mission et n'avait pas
 envie de s'éterniser.» 
 Un proche 
                      
                       Washington de notre correspondant

                         a rumeur courait la capitale américaine depuis
                         plusieurs semaines. Elle a été confirmée mardi
                       après-midi quand Michel Camdessus a réuni les
                       fonctionnaires du Fonds monétaire international
(FMI)
                       pour annoncer sa démission de son poste de
directeur
                       général. Il devrait quitter son poste début 2000
«Ce
                       n'est pas du tout une surprise. Il en parlait
depuis
                       au moins deux mois», assure un proche
                       collaborateur. 

                       De fait, la nouvelle avait été annoncée
prématurément
                       par la presse à plusieurs reprises ces derniers
temps.
                       Dans son édition du 3 novembre, le Wall Street
                       Journal y avait consacré un article, affirmant
que les
                       discussions avaient déjà commencé dans les
capitales
                       occidentales pour lui choisir un successeur. Un
de ses porte-parole
                       avait alors refusé de commenter «des rumeurs»,
mais en se
                       contentant de faire savoir qu'«il prend toujours
plaisir à sa
                       fonction» - laquelle n'expirait en principe qu'en
2002. Des
                       diplomates européens avaient reconnu que
Camdessus, âgé de 66
                       ans, et qui aimait plaisanter en privé sur l'âge
de la retraite dans la
                       fonction publique, leur avait fait comprendre
qu'il était temps
                       d'envisager son remplacement à la tête du FMI.
Une organisation
                       internationale qu'il dirigeait depuis 1987, après
avoir été reconduit
                       pour un troisième mandat de cinq ans fin 1996. 

                       Dans son entourage, on expliquait, avant même
qu'il ne le fasse
                       publiquement, que le départ anticipé de «monsieur
FMI» avait des
                       motivations «tout à fait personnelles». «Il a le
sentiment d'avoir
                       accompli sa mission, et n'avait pas envie de
s'éterniser à ce poste.
                       Il a estimé que le moment était favorable,
puisque les choses vont
                       plutôt mieux dans le monde qu'elles ne l'ont été
depuis un
                       moment.» 

                       On ne peut cependant tout à fait ignorer le fait
que Michel Camdessus
                       avait mal ressenti les attaques de plus en plus
virulentes lancées contre
                       la politique du FMI depuis que le Fonds n'avait
su ni voir venir ni
                       enrayer à temps la crise financière asiatique de
1997. Il avait encore
                       plus mal supporté les mises en cause par la
presse du rôle joué par le
                       Fonds dans le développement en Russie d'une
économie «mafieuse»,
                       étalée par l'enquête ouverte aux Etats-Unis sur
le blanchiment
                       d'«argent sale» russe par les banques
new-yorkaises. Bien que les
                       accusations de détournement d'une partie de
l'aide accordée par le
                       FMI au régime Eltsine soient restées pour
l'instant sans suite, Michel
                       Camdessus avait parlé à Libération des attaques
dont il avait été la
                       cible comme d'«une sorte de nouveau procès de
Moscou». 

                       C'est pure coïncidence, assurent ses
collaborateurs, que sa démission
                       ait été annoncée le lendemain d'un vote au
Congrès par lequel les
                       parlementaires américains ont refusé d'autoriser
le FMI à réévaluer
                       son stock d'or pour financer sa part de
l'allègement de la dette des
                       pays les plus pauvres. Il en avait fait adopter
le principe lors de la
                       réunion annuelle du Fonds au mois de septembre.
Parmi les multiples
                       raisons du blocage par le Congrès, l'animosité
d'une majorité de
                       parlementaires américains à l'encontre du FMI a
sans doute joué un
                       rôle important. 

                       Or cette animosité avait été personnalisée par
les ultra-conservateurs
                       qui avaient fait leur tête de Turc de celui que
le chef de la majorité
                       sénatoriale, le républicain Trent Lott, appelait
avec mépris de «le
                       socialiste français Camdessus». Il avait certes
toujours eu l'appui de
                       l'administration Clinton, mais son départ n'est
probablement pas perçu
                       comme entièrement négatif par la Maison Blanche,
dans la mesure où
                       une nouvelle tête au FMI peut contribuer à
amadouer le Congrès. 

                       Avant même que la démission de Camdessus ne soit
confirmée, des
                       noms circulaient pour son possible successeur,
qui doit être désigné
                       par consensus des 183 pays membres et doit être
selon la tradition un
                       Européen (la Banque mondiale étant dirigée par un
Américain). Il
                       pourrait bien cette fois ne pas être français
comme l'avaient été trois
                       des quatre derniers directeurs du Fonds.... 



                        Treize années entre le pouvoir et la foi

                       Le bilan de Camdessus à la tête du FMI est
controversé.

                                        Par PASCAL RICHÉ







 «Je demande 
 à mes amis
 américains de pouvoir
 exercer mon droit
 constitutionnel à la
 vie, à la liberté et au
 bonheur.» 
 Michel Camdessus
 hier soir sur RFI 
                      
                            'homme le plus puissant du monde», comme on
le qualifiait
                            aisément au plus fort de la crise financière
asiatique, part sur un
                       bilan controversé. Après treize ans passés à la
tête du Fonds
                       monétaire international (FMI), le Français Michel
Camdessus a, lui, le
                       sentiment d'une mission accomplie. Il a su,
bravant les critiques et les
                       lourdeurs diplomatiques, boucler avec succès un
plan de sauvetage de
                       l'économie mexicaine au début de l'année 1995 ;
il est l'un des
                       architectes des nouveaux mécanismes d'aide aux
pays les plus
                       pauvres ; il a beaucoup fait pour accroître la
transparence de la
                       finance internationale et de son institution...
Quant à la crise financière
                       que le monde a vécue depuis 1998, elle est selon
lui «terminée». 

                       «Instrument». Mais s'il a réussi à imposer la
stabilité financière, le
                       FMI est accusé d'avoir aggravé la situation de
nombreux pays
                       frappés par cette crise en leur imposant, à
contretemps, des politiques
                       monétaire et budgétaire d'austérité. Autre aspect
noir du bilan, le FMI
                       n'a pas su éviter les détournements massifs
d'argent accordé à la
                       Russie, ce qui, outre-Atlantique, est
personnellement reproché à
                       Michel Camdessus. «Il ne faut pas que ma présence
empêche le
                       FMI d'évoluer», déclarait-il en octobre au Monde
à propos de ces
                       critiques. Lui qui se considérait comme un
«instrument» au service
                       de la «communauté humaine» vit manifestement son
départ comme
                       un sacrifice. 

                       En janvier 1987, ce moine fonctionnaire, ancien
directeur du Trésor
                       (1982-1984), ancien gouverneur de la Banque de
France
                       (1984-1986), avait accepté de partir pour
Washington comme on
                       accepte de partir en mission. Le système
économique international se
                       remettait alors à peine d'une décennie de crises,
et le FMI devait
                       retrouver une raison d'être. Peu à peu, le Fonds
a alors accru son rôle
                       de prêteur aux pays en développement, mais aussi
son rôle de tuteur
                       desdits pays, administrant les mêmes recettes aux
gouvernements qui
                       commettent, selon Camdessus, «les mêmes erreurs».
«De
                       tempérament, c'est un activiste. Sans sa
direction dynamique, le
                       Fonds serait tombé aujourd'hui en désuétude»,
n'hésite pas à dire
                       de lui Paul Volcker, ancien président de la
Réserve fédérale
                       américaine. 

                       Esprit vif et affable, doté d'une grande capacité
d'écoute mais aussi
                       d'une grande fermeté, Michel Camdessus a été élu
trois fois à la tête
                       du Fonds. Les Américains, qui dominent
l'administration - et l'esprit -
                       du FMI, l'ont toutefois toujours regardé d'un ?il
soupçonneux. Ne
                       devait-il pas sa carrière aux socialistes
français ? 

                       Slalom. Michel Camdessus a réussi à s'imposer,
slalomant entre la
                       rude orthodoxie économique propre au Fonds
monétaire international
                       et ses propres convictions humanistes, tentant
sans cesse de concilier
                       son pouvoir et sa foi. Une foi que ce père de six
enfants n'a jamais
                       mise dans sa poche, parlant de fraternité, citant
fréquemment le jésuite
                       Teilhard de Chardin («Nous devons tous être des
citoyens du
                       monde») ou l'encyclique de Jean Paul II
Centesimus annus. 

                       Et lorsque Libération l'interrogeait sur son
bilan, Michel Camdessus
                       répondait : «On saura si c'est une réussite le
jour du Jugement
                       dernier.». 



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